Droit Social : l'actualité de la semaine, 15 mars 2021

Opération de concentration : le Conseil d’Etat reconnait l’intérêt à agir du CSE de l’entreprise cédée pour contester en justice la décision d’autorisation délivrée par l’Autorité de la concurrence

Par un arrêt du 9 mars 2021 (n°433214), le Conseil d’Etat juge recevable l’action du CSE de l’entreprise cédée visant à contester la décision d’autorisation de prise de contrôle exclusif par une autre société délivrée par l’Autorité de la concurrence. 
Le Conseil d’Etat motive sa décision au visa de l’article L. 2312-8 du Code du travail qui énonce que « Le CSE a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise […] ».

La solution n’allait pas de soi, compte tenu de l’approche plus restrictive de la Cour de cassation concernant l’intérêt à agir du CSE. 

A titre d’exemple, la Cour de cassation a déjà jugé irrecevable l’action du comité d’entreprise visant à déclarer la cession d’une entreprise inopposable aux salariés. Plus récemment, la Cour de cassation a jugé irrecevable l’action du comité d’entreprise en contestation du transfert des contrats de travail des salariés dans le cadre d’une opération de cession. 

La solution retenue par le Conseil d’Etat offre manifestement une place à part entière au CSE dans le cadre des contentieux administratifs. 

Recours en inopposabilité de la décision de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie : attention au nouveau délai de prescription

Lorsque la décision de la CPAM concernant la prise en charge d’une maladie ou d’un accident professionnel ne répond pas aux modalités prévues par la règlementation applicable, l’employeur peut agir en justice pour contester l’opposabilité de cette décision. 

La question du délai dans lequel il doit agir a fait l’objet d’un contentieux abondant.  

Depuis 2019, la Cour de cassation considérait que le recours de l’employeur en inopposabilité d’une décision de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie ne revêtait pas le caractère d'une « action personnelle ou mobilière » au sens de l’article 2224 du Code civil. En conséquence, ce recours ne pouvait pas se voir opposer le délai de prescription de droit commun de cinq ans, et n’était enfermé dans aucun délai.  

Cette jurisprudence a fait l’objet de nombreuses critiques, puisqu’elle revenait à faire échapper à toute prescription le recours de l’employeur en inopposabilité d’une décision de prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Plusieurs juridictions du fond ont d’ailleurs refusé de s’y conformer, contribuant à créer une insécurité juridique. 

Aux termes de deux arrêts du 18 février 2021 (n° 19-25886 et n° 19-25887), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence : désormais, et en l’absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’employeur en a connaissance, en application de l'article 2224 du Code civil. 

Harcèlement sexuel avéré : l’employeur doit prendre des mesures concrètes pour éloigner l’auteur et la victime

Depuis plusieurs années, la Cour de cassation considère que l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur vis-à-vis de ses salariés doit être qualifiée d’obligation de moyens renforcée. Ainsi, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. 

En pratique, il appartient aux juges du fond d’évaluer la pertinence des mesures de prévention et de protection effectives.  

Dans un arrêt du 17 février 2021 (n°19-18.149), la Cour de cassation considère que le simple avertissement écrit notifié à l’auteur du harcèlement sexuel n’est pas de nature à exonérer l’employeur de sa responsabilité au titre de son obligation de sécurité. 

Dans cette affaire, une salariée a été victime de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, lequel a fait l’objet d’une sanction pénale. La salariée, affectée par la situation, a été placée en arrêt de travail, pris en charge au titre des accidents du travail. 

Les deux salariés étant de facto éloignés, du fait de l’arrêt de travail de la salariée, l’employeur a pu penser que la notification d’un avertissement écrit contre l’auteur du harcèlement constituait une mesure suffisante pour remédier à la situation. 

Pas pour la Cour de cassation, qui indique que l’employeur qui ne prend aucune mesure pour éloigner l’auteur du harcèlement de la victime manque à son obligation de sécurité de façon suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. 

Ainsi, lorsque des faits de harcèlement sexuel sont avérés, l’employeur doit impérativement prendre des mesures concrètes visant à séparer l’auteur et la victime de harcèlement, le cas échéant en licenciant pour faute grave l’auteur des faits.

 

Auteurs Marion Guertault et Pauline Manet

Keywords Droit social
Languages Français
Topics Employment
Countries France

 

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