Le PSG a récemment pris la décision de suspendre Lionel Messi pour deux semaines, après que celui-ci s’est rendu en Arabie Saoudite pour honorer un engagement commercial personnel, au mépris de l’entrainement du jour organisé par le club. Si cette suspension fut in fine raccourcie suite aux excuses publiques du joueur, celle-ci a pendant un court laps de temps eu pour objet d’interdire à Lionel Messi de se rendre au centre d’entrainement, de participer aux matchs de son équipe et de le priver d’une partie de son salaire. Ce cas d’espèce pose la question du régime de sanction des sportifs professionnels en France, qui, pour beaucoup d’entre eux en ce compris Lionel Messi, restent des salariés et sont donc protégés par le Code du travail français.
Cet article a vocation à revenir de manière non exhaustive sur ce cadre juridique très protecteur des joueurs de football professionnel, qui laisse cependant certaines marges de manœuvres aux clubs employeurs. Cet article est basé sur la description de la sanction infligée au joueur telle que faite par certains articles de presse spécialisée en l’absence de toute communication officielle du club sur le sujet ou de publication officielle de ladite sanction.
La protection des joueurs de football professionnel
Les sanctions sportives peuvent avoir des répercussions importantes sur le footballeur professionnel. D’une part, l’interdiction de s’entrainer avec le groupe professionnel, ou de participer aux matchs avec son club, peut mettre en péril la carrière du joueur, en ce qu’il n’a plus la possibilité d’entretenir son niveau footballistique. D’autre part, des répercussions financières significatives peuvent exister, par exemple, lorsque le joueur a conclu des contrats de sponsoring aux termes desquels sa rémunération variera en fonction du nombre de matchs disputés avec son club.
Plusieurs règles empêchent ainsi les clubs de « placardiser » l’un de leurs joueurs.
La participation aux entraînements
Aux termes de l'article L222-2-9 du Code du sport, les clubs sont tenus d’offrir aux sportifs professionnels « des conditions de préparation et d'entraînement équivalentes à celles des autres sportifs professionnels salariés » du club.
Par ailleurs, dans le cas particulier du football, l'article 507 de la Charte du Football Professionnel, qui a valeur de convention collective des métiers du football, dispose que : « Les clubs doivent permettre aux joueurs sous contrat professionnel de participer aux entraînements collectifs avec le groupe de joueurs composant le groupe professionnel. Les clubs doivent donner à leurs joueurs professionnels sous contrat les moyens de s’entraîner pour leur permettre d’atteindre ou de conserver un niveau de condition physique suffisante à la pratique du football professionnel en compétition ».
Ainsi, le club a une obligation de permettre à ses joueurs de s'entraîner dans les meilleures conditions, afin qu’ils soient à même d’entretenir et même d’améliorer leurs capacités sportives, fondement de leur carrière professionnelle.
Il en résulte par exemple que le fait pour un club d’envoyer un joueur en équipe réserve, ou le fait d’imposer au joueur de s’entrainer seul, à l’écart du groupe, est illégal.
La participation aux matchs
Dans le cas particulier du football, l'article 507 de la Charte du Football Professionnel prévoit que la participation d'un sportif à toute compétition relève du pouvoir de direction du club exercé en pratique par l’entraineur. Ainsi, le fait de ne pas sélectionner un joueur pour participer aux matchs n’est pas en soi illégal : le club n’a pas l'obligation de sélectionner le joueur à l'occasion des matchs et des compétitions auxquels le club participe.
De façon classique, la limite tient à l'usage abusif ou discriminatoire qui serait fait de ce pouvoir de sélection. En effet, la décision de ne pas sélectionner un joueur pour les matchs doit être justifiée par un choix objectif effectué au regard des performances sportives du joueur appréciées souverainement par l’entraineur.
Le pouvoir disciplinaire du club à l’égard du sportif
Les principes évoqués ci-dessus peuvent toutefois céder, de façon temporaire, lorsque l’employeur fait usage du pouvoir disciplinaire qu’il détient à l’égard de ses salariés – les joueurs.
En effet, comme dans tout rapport entre employeur et salarié, le premier détient à l’encontre du second un pouvoir disciplinaire. Ce pouvoir de sanction appartient à l’employeur lorsqu’il estime que le salarié a commis un agissement fautif.
Le sport professionnel n’échappe pas à ce principe. Dans le football, l'article 614 de la Charte du Football Professionnel indique que « le pouvoir de sanction s’entend du pouvoir de prendre toute mesure ayant une conséquence sur le statut du sportif afin de sanctionner des manquements fautifs. Ce pouvoir est détenu par le club ».
Au titre des sanctions pouvant être infligées figure la mise à pied disciplinaire qui doit obéir à un régime et à des conditions spécifiques.
Le régime de la mise à pied disciplinaire
L'article 614 de la Charte du Football Professionnel définit la mise à pied disciplinaire comme une « sanction consistant à interdire à un salarié coupable d’une faute de se présenter à son travail. Lors de la mise à pied, le salarié n’est pas rémunéré ». La mise à pied disciplinaire a pour effet de suspendre l'exécution du contrat de travail du footballeur le temps de la mise à pied, et donc, les obligations contractuelles des deux parties.
Le club ne paye ainsi plus le joueur ; ce dernier est par ailleurs privé d’accéder au centre d’entrainement et de participer aux matchs avec son club durant le temps de cette mise à pied.
Ainsi, si la sanction pécuniaire est prohibée de façon générale, la sanction disciplinaire ayant des répercussions pécuniaires est en revanche légale – la mise à pied disciplinaire étant une sanction légale.
La retenue sur salaire strictement proportionnelle à la durée de la mise à pied disciplinaire sanctionnant un comportement fautif du salarié ne relève donc pas de la prohibition des sanctions pécuniaires. Le joueur n’effectuant pas sa prestation de travail le temps de cette sanction, l’employeur peut également opérer une retenue sur salaire correspondant à la période d’inactivité.
Les conditions de la régularité d’une mise à pied disciplinaire
La mise à pied disciplinaire, particulièrement dans le football, doit respecter certaines conditions pour être régulière.
Selon l’article 614 de la Charte du Football Professionnel, « la sanction sera prise en tenant compte des faits et des circonstances […] ». Ainsi, la décision d’infliger une mise à pied disciplinaire (plutôt qu’un avertissement, par exemple) doit être justifiée. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la durée de la mise à pied disciplinaire doit être strictement proportionnée à la gravité de la faute commise par le salarié.
Dans le football, les sanctions disciplinaires consécutives à une absence injustifiée du joueur suivent un régime particulier. En effet, l’article 614 de la Charte du Football Professionnel indique que les dispositions suivantes doivent obligatoirement figurer dans le règlement intérieur de tous les clubs professionnels :
« […] 2. Absence aux autres entraînements sans motif valable, ainsi qu’à tout cours pour le joueur en formation et à toute convocation officielle telle que conférence technique, visite médicale, séance de soins, etc. :
- Avertissement.
- En cas de récidive, mise à pied disciplinaire d’un jour par jour d’absence.
- Au bout de dix jours, si le joueur ne s’est pas mis à la disposition de son club : mise à pied disciplinaire d’un jour par jour d’absence pouvant aller jusqu’à la rupture du contrat. »
En principe, la sanction infligée par l’employeur doit respecter l’échelle des sanctions fixée par le règlement intérieur tel que prévu par la Charte du Football Professionnel. A défaut, le joueur pourrait contester sa sanction devant un juge s’il estime qu’elle est disproportionnée, irrégulière ou injustifiée. En tout état de cause, une mise à pied ne peut pas être prononcée pour une durée supérieure à celle prévue par un règlement intérieur.
Au regard des faits avancés dans les médias et qui restent à confirmer, il est possible que la sanction prononcée à l’encontre de Messi – une mise à pied disciplinaire de deux semaines – dépasse la durée maximale prévue par le règlement intérieur du club, celle-ci étant d’un jour au maximum pour une absence d’un jour. La sanction même de la mise à pied pourrait également poser question puisqu’au terme des sanctions applicables à la suite d’une absence, l’article 614 de la Charte du Football Professionnel privilégie en premier lieu un avertissement. Une connaissance plus approfondie des faits d’espèce est toutefois nécessaire afin de confirmer ou d’infirmer ce qui précède.
En l’espèce, on ne peut aussi exclure l’hypothèse que le PSG n’a pas seulement sanctionné Messi en raison d’une simple absence à un entrainement mais parce que son absence, cumulée à un voyage à des fins publicitaires en Arabie Saoudite, aurait pu être interprétée comme une sérieuse atteinte à l’image du club. La licéité d’une telle sanction nécessiterait alors un examen plus approfondi. Le PSG a d’ailleurs finalement décidé de réduire la durée de la mise à pied suite aux excuses publiques de Messi, qui a ensuite pu retourner à l’entrainement une semaine après que la sanction a été prononcée.
Par ailleurs, la mise à pied doit obéir à des conditions de procédure stricte pour garantir les droits du footballeur. L’article 615 de la Charte du Football Professionnel requiert ainsi la convocation du joueur à un entretien préalable à la mise à pied au cours duquel le joueur pourra se faire assister d’une personne de son choix appartenant au personnel du club.
Enfin, outre la sanction disciplinaire, qui constitue un moyen pour l’employeur de pénaliser un joueur professionnel, les clubs ont également recours à des mécanismes contractuels sous formes de clauses de « primes d’éthique », stipulées dans le contrat de travail du joueur. Ce mécanisme permet d’adosser des éléments de rémunération à certains engagements de comportements des joueurs (ex : participation aux conférences de presse, remerciement des supporters etc.). Ce mécanisme de plus en plus usité fera l’objet d’un prochain article.
Authored by Mikael Salmela, Gabriel Lecordier, Sibille Bouessel du Bourg, Nathan Ponthieu.