En modifiant substantiellement le Livre III du Code civil, l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 avait modernisé le droit des contrats et le droit des obligations pour le rendre plus attractif.
Pour acquérir une valeur législative, une ordonnance doit être ratifiée.
Le législateur a voulu profiter de la loi de ratification pour prendre en compte quelques remarques du marché ou de la doctrine et modifier des aspects de la réforme.
La loi de ratification publiée en avril 2018 :
- confirme notamment le pouvoir judiciaire de révision du contrat pour imprévision (pouvoir qui avait été contesté par le Sénat) ; et
- précise les contours du pouvoir de juge en matière de clauses abusives dans les contrats d'adhésion.
La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 est publiée au JO du 21 avril.
L'ordonnance est désormais ratifiée.
La loi entrera en vigueur le 1er octobre 2018. Des Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) pourront alors être éventuellement posées à partir de cette date.
En quoi la loi de ratification modifie-t-elle le Code civil? Focus sur deux questions examinées par la Commission mixte paritaire :
1) Contrat d'adhésion et clauses abusives :
- D'une part, l'Assemblée nationale voulait octroyer au juge la possibilité de pouvoir supprimer une clause considérée comme créant un déséquilibre dans le contrat. L'Assemblée nationale considérait à ce titre que toutes les clauses (négociables ou non) pouvaient entraîner un déséquilibre.
- D'autre part, les sénateurs voulaient que ce pouvoir soit limité aux seules clauses non-négociables (i.e. déterminées à l'avance par l'une des parties), considérant que seules les clauses non-négociables étaient susceptibles de créer un déséquilibre dans le contrat.
- Un double compromis a été trouvé au sein de la Commission mixte paritaire :
- La définition du contrat d'adhésion a été élargie à tous les contrats comprenant "un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties". Les contrats d’adhésion ne se réduisent plus aux seuls "contrats de masse", proposés par un professionnel à une multitude de contractants potentiels.
- Le pouvoir du juge d’éradiquer les clauses abusives a été limité aux seules "clauses non négociables déterminées à l’avance par une partie".
2) La révision judiciaire pour imprévision est maintenue :
Rappel : L'ordonnance avait consacré l'imprévision : si un événement imprévisible survient lors de la conclusion du contrat et qu'il rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie, celle-ci peut demander la renégociation du contrat au cocontractant ou à défaut, au juge.
Les sénateurs voulaient supprimer le pouvoir judiciaire de révision du contrat pour imprévision, considérant qu'il portait une atteinte grave à la force obligatoire du contrat et à la liberté contractuelle.
La révision judiciaire pour imprévision (art. 1195 C. civ) a été maintenue, malgré l'opposition des sénateurs, jusque dans le rapport fait au nom de la Commission paritaire mixte.
L'article 1195 du code civil n'étant cependant pas d'ordre public, les parties peuvent y renoncer dans leur contrat comme suit :
" No hardship
Each Party acknowledges that the provisions of article 1195 of the French Civil Code shall not apply to it with respect to its obligations under the Transaction Documents which are governed by French law and that it shall not be entitled to make any claim under article 1195 of the French Civil Code. "
Application de la réforme :
• Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 resteront soumis au régime antérieur.
• Les contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 seront soumis à la version initiale de l’ordonnance.
• Les contrats conclus à partir du 1er octobre 2018 relèveront de la version modifiée de l’ordonnance.
Du projet de loi à la loi de ratification :
- 9 juin 2017 : un projet de loi de ratification est déposé.
- Entre juin 2017 et février 2018 : le projet de loi de ratification fait la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
- 16 février 2018 : les questions restant en discussion sont soumises à une Commission mixte paritaire (i.e. commission composée de députés et sénateurs).
- 14 mars 2018 : la Commission mixte paritaire parvient à un accord.
- 22 mars 2018 : le projet de loi intégrant cet accord est adopté par l'Assemblée nationale.
- 11 avril 2018 : le projet de loi est également adopté par le Sénat.